3 salariées racontent leur quotidien

Encourager les initiatives favorisant la mixité dans le bâtiment, donner la parole aux professionnels.les, mettre en lumière l’amélioration des conditions de travail… Le Service Info Énergie – Pros de la Réno s’intéresse à la gestion des salariés, au sein des entreprises de la rénovation et de l’éco-construction.


Ce premier volet nous plonge dans l’environnement de travail… un levier qui peut faire la différence pour attirer et fidéliser les femmes et les hommes professionnels du bâtiment !
L’équipe est allée à la rencontre de Morgane, Soizic et Elise, salariées chez Ecosystème conception, une entreprise grenobloise spécialisée dans la rénovation thermique et écologique et l’ossature bois. Port de charges, salaires, discrimination, parentalité… Elles nous racontent leur quotidien !

3 femmes, 3 parcours

« Après 5 ans d’études dans la structure bois (BTS et école d’ingénieur, j’ai travaillé dans une entreprise qui faisait surtout de l’ossature industrielle en préfabrication. J’en suis partie pour voyager durant deux ans. J’ai commencé à faire des chantiers… et j’ai continué en France ! « .

Soizic, charpentière

« Après des études de génie civil et infrastructure, j’ai commencé à travailler autour du béton.
Je suis partie de mon ancienne entreprise car je souhaitais vraiment travailler avec le bois. Les postes d’ingénieur.e.s spécialisé.es dans le bois sont rares dans les bureaux d’études…

Je travaille aujourd’hui au sein du bureau d’études structures d’Ecosystème Conception. J’ai plusieurs casquettes : maitrise d’œuvre, chiffrage des chantiers, partie commerciale pour les devis…  « .

Morgane, maître d’oeuvre au sein du bureau d’études

« J’ai connu l’entreprise en refaisant la toiture de ma maison. Auparavant, je travaillais dans le social, auprès de personnes en situation de prostitution. J’ai entamé une reconversion en faisant un stage puis je me suis formée et j’ai obtenu un CAP de charpente ».

Elise, charpentière en reconversion

Physique et port de charges

Lorsqu’elle a fait son stage, Elise a eu une période d’environ 6 mois assez éprouvante physiquement. « Les vacances permettaient de récupérer« . Les conditions climatiques sont parfois rudes, été comme hiver. Les chantiers sur les communes environnantes en montagne sont souvent privilégiés en période estivale. « La pluie pendant l’hiver, c’est épuisant aussi ».

Sur le port de charges, il semblerait que le problème ne soit pas tant physique : « Il y a des entreprises où les salariés vont beaucoup porter et avoir le dos cassé plus vite… alors qu’on peut prendre le temps ou porter à deux » précise Elise.

« L’aspect physique se règle, on travaille plus intelligemment quand on est moins costaud. Par contre, la taille est un problème ! » renchérit Soizic. En effet, le montage des échafaudages et de nombreux matériels semblent dimensionnés pour des personnes mesurant environ 1m85. Soizic a d’ailleurs des tendinites aux poignets, du fait des tréteaux parfois trop hauts pour travailler.

Travailler sur des chantiers en tant que femme, c’est visible et plus percutant qu’un discours !

Discrimination : salaire et responsabilité

Sur la question des discriminations dues directement à leur genre, les trois salariées de l’entreprise ont des exemples de situations dont elles ont été témoins ou ont directement été impliquées. Pour certaines, il s’agit par exemple d’une différence de rémunération avec un collègue masculin lors d’une embauche, à diplôme équivalent et au même moment. La question de la responsabilité se pose également :  « Dans certaines entreprises, en tant que femme, c’est difficile d’être considérée comme la personne qui peut être en charge d’un projet ou d’un chantier ».

Parentalité et maternité

La parentalité est une question centrale. Les primes de fin d’année, par exemple, restent dépendantes du nombre d’heures travaillées. L’année de la naissance d’un enfant est donc pénalisante. Soizic a d’ailleurs intégré le bureau d’études de l’entreprise lorsque Morgane était en congé maternité. « Il y a un besoin fort de reconnaitre et de prendre en compte la parentalité / la maternité ». Pour Morgane, dès la fin de ses études, certains postes étaient inaccessibles. « J’ai des copines dont les entreprises ont coulé lorsqu’elles sont devenues mamans« . 

Au sein d’Ecosystèmes, les salariés peuvent s’occuper de leurs enfants en bas âge ou aller les récupérer à l’école car les horaires de travail sont aménageables. « L’égalité à faire est notamment là. « Pour le moment c’est « oui, tu peux », mais à tes dépens ». Un de leurs anciens collègues a travaillé au Canada : l’éducation des enfants et les tâches du quotidien sont beaucoup mieux réparties entre le père et la mère… ce qui facilite l’accès à des métiers comme ceux du bâtiments, où les chantiers peuvent démarrer tôt notamment.

Orientation et recrutement

Dans les promos de fac (études ingénieur et études de génie civil) et CAP, « il y a de plus en plus de femmes… mais on est encore très loin de de la parité. Pour une promo de plus d’une centaine de personnes, nous n’étions que quelques filles » précise Morgane. Les femmes qui se retrouvent dans le secteur sont souvent en reconversion professionnelle. Elise, qui a souhaité elle aussi changé de secteur, explique que « la majorité des nanas veulent bosser seules ou dans l’écoconstruction ».
Dans l’entreprise, il n’y a pas de politique de mixité lors des recrutements. L’essentiel est d’être en accord avec les valeurs et les principes qui font leur spécialité. De très nombreuses stagiaires prennent contact avec la structure (et viennent parfois de loin), car elles ont eu « de bons échos dans les écoles et le milieu ».

Mobilité et temps de travail

Concernant les trajets, qui ont une place importante dans le travail des employé.es du BTP (dans le secteur les accidents de trajet atteignent 5% de la totalité des accidents du travail tous secteurs confondus, statistiques de la CPAM), l’entreprise a choisi d’intervenir sur un secteur géographique restreint : les trajets sont limités à 1h, l’intervention sur un chantier éloigné doit être validé par l’équipe et les grands déplacements ne sont jamais imposés.
La semaine de 4 jours est également de mise : «  De notre côté, avons moins de déplacements et moins de rangements à faire !« .

Accès aux toilettes

La problématique de l’accès aux toilettes, lors du travail sur chantier, semble assez spécifique à la France.  Même si les problèmes semblent assez rares, il est arrivé qu’il n’y ait pas de toilettes sur les chantiers de construction neuve. « Il faut alors parfois marcher 300 m pour aller dans les bois, mais quand on fait un chantier de rénovation totale en plein centre-ville… ». Et certains maîtres d’ouvrage empirent la situation : « Il est arrivé que des propriétaires nous refusent l’accès à leurs toilettes… ». Parmi les pistes d’amélioration, un accès aux toilettes pourrait être demandé lors de l’élaboration du devis.

> Dans cette entreprise, de nombreuses solutions ont donc déjà été apportées. La mixité rentre dans un rapport plus vertueux au travail. Les effectifs ayant fortement augmenté, il y a une envie commune d’aller « vers plus de structuration et de cadre sur le sujet de l’organisation du travail « .

> Les termes « manque de confiance » et « syndrome de l’imposteur » ont été évoqués, l’envie de faire ce travail « malgré ses incompétences »…
Elise explique qu’elle a beaucoup apprécié travailler avec une autre femme sur un chantier : « Nous nous sommes entraidées et apportées un soutien réciproque ».

> « Les choses évoluent, doucement. Certains collègues masculins se disent être des « alliés » et font quand même des blagues sexistes… « , raconte Soizic, pour qui le fait de travailler au sein du bureau d’études et hors des chantiers a apporté de l’apaisement.

Un mot pour une femme qui serait intéressée par les métiers du bâtiment ?

« Vas-y ! Il ne faut pas avoir peur. Tu en es capable ! »

Propos recueillis par Barbara Davidenko, conseillère Pros de la Réno – Octobre 2024

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